Syndicat des Cadres Supérieurs des Finances Publiques

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La rançon du mépris

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  • Le 28/09/2020

Lu par le SCSFIP au détour d'un compte-rendu du Codir DG :
« En point final, Mme Camiade alerte sur la sélection AFIP 2021 et la chute des candidatures. Avec ce volume de candidatures et en maintenant un taux de sélection garantissant un niveau d’exigence sur les profils sélectionnés, le nombre de lauréats serait notablement insuffisant. Les causes sont identifiées : mobilité et encore peu de visibilité sur l’impact des processus de recrutement au choix qui peuvent freiner les priorités de rapprochement. Les conséquences sont critiques à très court terme »

Des réactions ? Non ? Sujet suivant…

Sujet suivant, vraiment ?

Le sujet mériterait pourtant que l’on s’y attarde un peu plus qu’en deux phrases d'autant qu'il touche également la sélection AFIPA.

On pourrait d’abord ironiquement relever que pour la DG, la qualité d’une sélection se mesure au taux. Nous disons depuis longtemps qu’un tableur Excel pourrait être DRH de la DGFIP, nous en avons ici la preuve. Si la DRH connaissait un petit peu son vivier de cadres supérieurs, elle pourrait savoir, par exemple, si les trop rares candidats ne sont pas déjà, tout de même, ceux qui ont les plus gros potentiels. En appliquant bêtement un taux, ne risque-t-elle pas d’éliminer des candidats qui étaient pourtant tout aussi bons que les reçus des générations précédentes, simplement parce que le dénominateur (le nombre de candidat) n’est pas assez élevé ?
Pour alimenter sa réflexion, puisqu’elle ne connaît que cela, donnons un élément statistique à notre Direction Générale : le taux de sélection du concours d’inspecteur des finances publiques (7%) est plus dur que celui de l’ENA en externe (8%)…

Projetons maintenant cette scène dans un grand groupe privé, ou même une autre administration que la DGFIP :
 – Monsieur le Directeur Général, nous constatons une désaffection de vos cadres pour les carrières offertes par notre groupe.
Le DG s’alarme : 
nous avons clairement un problème de valeurs, de communication et de management, bref de gestion des ressources humaines. Si même nos cadres ne croient plus en notre groupe et n’y sont pas heureux, c’est un sujet prioritaire.
Réponse de son état-major :
mais ne vous inquiétez pas, nous avons identifié le problème : vos cadres sont des fainéants surpayés qui ne veulent pas bouger loin de chez eux.

A ce stade, le DG se dit que s’il y a un fainéant surpayé, il est plutôt à chercher du côté de son état-major en question. En l’espace de 3 ans, j’ai 3 fois moins de candidats aux fonctions d’encadrement supérieur et on me dit que c’est la faute des (non-)candidats en question ? De qui se moque-t-on ?

Mais pas à la DGFIP… Mirabeau disait de la cour qu’elle était une cascade de mépris, la DGFIP est un Niagara.

Suggérons à notre Directeur général d’approfondir tout de même un peu un sujet qui, en continuant ainsi, ne va qu’empirer.

Peut-être pourrait-il commencer par se dire que ses cadres ne sont pas devenus subitement immobiles et peu motivés en l’espace de 3 ans mais que l’explication est un peu plus complexe ?

Peut-être pourrait-il se dire ensuite, par exemple, qu’au fond, le message porté par sa DRH, depuis plus de 5 ans : « ne passez pas la sélection AFIP, il n’y a pas de place », fruit d’une GPEEC défaillante et d’une vision court-termiste, a fini par être bien reçu par ses cadres ?

Peut-être pourrait-il se dire qu’à coups de petites phrases assassines et de manque total de considération pour leur engagement professionnel et leurs compétences développées durant 20 ou 30 ans de carrière, les cadres ont fini par comprendre que l’on ne comptait pas sur eux, pas sur les postes importants en tout cas ?
Sur ces postes-là, il faut des vrais bons, ceux dont les compétences académiques et la supériorité en tout ont été définitivement reconnues lorsqu’ils ont brillamment réussi dissertations et grand oral à 25 ans. Souvenons-nous cet exemple récemment donné au SCSFIP par un ancien DRH : « rendez-vous compte, j’ai une amie conseillère d’Etat de 37 ans qui a du mal à trouver un poste, c’est normal qu’elle puisse venir à la DGFIP sur l’un des 300 plus gros postes, non ? ». En creux on comprend bien, elle est tellement plus compétente et intelligente que vous cadres supérieurs des finances qui, avec vos 30 ans de parcours professionnel exemplaire et vos 4 sélections externes et internes, n’avez finalement rien prouvé. Et d'enfoncer le clou encore plus profondément en assenant "candidatera qui voudra, viendra qui je veux".

Peut-être qu’après avoir fait un semblant de consultation sur l’ouverture de ces 300 plus gros postes, avoir écarté d’un revers de main toutes les suggestions des OS et des associations professionnelles représentant lesdits cadres et publié, depuis 6 mois (28, série en cours) des postes et des postes sans en pourvoir aucun, la DGFIP récolte ce qu’elle sème ? Il se dit d’ailleurs qu’au fond, la DGFIP ne sait pas comment sélectionner les candidats pour ces postes, s’aperçoit que les candidats extérieurs qui devaient se précipiter dessus ne sont pas légion et qu’elle n’a aucune vision de ce qu’elle attend de ses ressources humaines. Peut-être qu’effectivement, en l’absence de toute visibilité sur les postes qu’ils pourront occuper à l’issue de cette sélection, les candidats n’osent pas se lancer sans savoir pour quoi ils postulent. Étonnamment l’augmentation salariale ne ferait pas tout.

Reprenons l’analogie du grand groupe, quelle DRH dirait : « venez postuler pour une promotion, si vous êtes reçus je vous dirai ce que vous ferez et où je vous envoie » ?
Peut-être aussi qu’à force de clamer haut et fort que n’importe quelle personne venant de l’extérieur fera sans doute beaucoup mieux qu’eux, les cadres en question demandent à voir ?

Peut-être que les cadres supérieurs se parlent entre eux et que le retour d’expérience des candidats précédents, reçus ou non, ne donne pas franchement envie d’aller passer la sélection ?
Les mots qui reviennent sont les mêmes : humiliant, méprisant, hautain, dédaigneux… Et que dire de ceux qui, pourtant méritants, ne sont pas retenus lors de cet unique « grand oral » dont personne ne connaît vraiment les règles ? Ils peuvent être reçus (mais vraiment ce n’est pas obligé) par la DRH pour s’entendre dire (retour là encore unanime des concernés) qu’ils sont quand même bien payés et qu’ils ne sont pas à plaindre.
Rejetés par un jury, certains d’entre eux sont également rejetés par leur hiérarchie directe, en une heure de temps ils sont passés de « potentiel dirigeant » à « has been sans avenir » (mais bien payé, hein, bon…).

Peut-être que les cadres sont las de recevoir des leçons de mobilité interne et externe de la part de DRH qui ont pour principal trait commun, celui de n’avoir jamais franchi le périphérique parisien en dehors de leurs vacances ? C’est leur discours qui s’entend régulièrement dans les couloirs (pas toujours) feutrés de Bercy : « qu’ils aillent faire sous-préfet à Château-Chinon, ils verront ce que c’est que mériter son salaire » en parlant de ces cadres supérieurs des finances publiques qui, pour la plupart d’entre eux, ont déjà fait 3 ou 4 (vraies) mobilités géographiques au cours de leur carrière. Vous avez dit mépris ?

Peut-être qu’en confiant le soin du recrutement aux directeurs locaux qui peuvent ainsi composer leurs équipes avec leurs proches (c’est logique), la DGFIP rend toute mobilité définitive et invente l’aller sans retour. Qu’effectivement, des candidats qui étaient prêts à 3 ans de célibat géographique, hésitent un peu quand ils comprennent que ce sera plutôt 10 ans au mieux ?

Le SCSFIP lui, connaît les cadres supérieurs de la maison, qu’il représente massivement. Il peut faire un retour un peu plus éclairé de la situation : jamais leur moral n’a été aussi bas, jamais ils ne se sont sentis aussi peu considérés et jamais ils n’ont senti autant d’écart entre les valeurs affichées de la DGFIP - auxquelles ils croient - et la réalité qu’ils constatent au quotidien. Nous ne pensions pas un jour constater une telle démobilisation et un tel désabusement de l’encadrement supérieur de notre maison. Ce que nous entendons de plus en plus c’est : « ok, je fais mon boulot mais je ne m’investirai pas davantage ».

Nous alertons ici notre DG, la DGFIP va constater dans les années à venir que ce « davantage » est ce qui faisait d’elle la maison d’excellence qu’elle ne sera bientôt plus. Le temps est plus que venu d’une vaste remise en question sur la gestion des ressources humaines, le management, le bien-être professionnel, la bienveillance… Tout ce qui rend le salarié heureux, attaché à son entité et productif. Et cela part de tout en haut.

Une remise en quoi ? Sujet suivant…

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